mercredi 1 octobre 2008

Robert Bibeau à ce sujet

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À chacun son portfolio numérique
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Robert Bibeau (Un dossier de la Vitrine Technologie-Éducation)

sceau_dossier_vitrineQu’est-ce qu’un portfolio? Pourquoi proposer aux étudiants l’exploitation d’un portfolio? Quoi mettre dans un portfolio? Quand travailler dans un portfolio? En quoi le portfolio est-il un instrument de réflexivité et de régulation des apprentissages? Voilà quelques-unes des questions que nous aborderons dans ce dossier.

La popularité grandissante du portfolio numérique s’explique par la nécessité pour les enseignants de trouver des instruments de régulation et d’évaluation liés aux nouvelles pratiques et approches pédagogiques en éducation. Le portfolio se veut un témoin des apprentissages de l’étudiant, un lieu d’exposition de ses œuvres et de ses travaux, un outil réflexif d’autorégulation et un instrument de développement de ses compétences. Il est le compendium tout désigné de ces nouvelles pratiques et approches pédagogiques1.


Qu’est-ce qu’un portfolio?

Il existe une multitude de définitions du terme «portfolio», de la plus usuelle : «Collection d’œuvres propre à refléter le talent de son auteur» à la plus éducationnelle : «Collection structurée des travaux d’un étudiant et des commentaires qui leur sont attachés, qui fait foi de ses compétences montrant des traces pertinentes de ses réalisations. Les travaux conservés, et parfois affichés, sont sélectionnés en fonction de critères établis par l’étudiant et par l’enseignant».

Un portfolio numérique est un système de gestion informatique qui permet d’administrer un ou plusieurs portfolios, individuellement ou en groupe, peu importe le support : DVD, clé USB ou serveur télématique. Évidemment, chacun de ces supports offre ses avantages et ses inconvénients. Un système informatique de gestion centralisée est pratique, facile d’accès, accessible de partout si le système de protection des accès extérieurs n’est pas trop hermétique, mais il est parfois complexe, lourd à administrer, coûteux et souvent l’interopérabilité n’est pas assurée2. Ainsi, l’étudiant qui quitte l’établissement ne peut apporter son portfolio et l’exploiter dans un autre établissement qui n’a pas exactement le même système de gestion des portfolios.


Quatre types de portfolios en éducation

Il existe quatre types de portfolios en éducation ayant chacun leurs caractéristiques et leurs fonctionnalités : le portfolio d’apprentissage, le portfolio de présentation, le portfolio d’évaluation et le portfolio de développement professionnel.

Dans le portfolio d’apprentissage, l’étudiant conserve des travaux de toutes sortes, en cours de réalisation ou terminés, ainsi que les commentaires sur ces travaux, qui font foi de ses progrès pendant une période donnée. Certains travaux sont choisis par l’étudiant, d’autres sont sélectionnés conjointement avec l’enseignant. L’étudiant élabore son dossier d’apprentissage sur une base journalière ou hebdomadaire. Il ajoute régulièrement des documents à sa collection d’apprentissage, y inscrit des notes ou conserve les remarques reçues de ses pairs ou de ses enseigants.

L’étudiant réorganise parfois le contenu de son portfolio, et cette activité devrait donner lieu à des discussions avec l’enseignant soit par réseau télématique, soit en classe directement. La polyvalence et l’ubiquité du support numérique s’expriment alors avec toute leur puissance et leur pertinence.

Le portfolio de présentation donne à voir les meilleures productions de l’étudiant. C’est celui qui s’apparente davantage au portfolio que l’artiste ou l’architecte présente au moment d’une entrevue. L’étudiant est le seul responsable du critérium des travaux. En sélectionnant ses meilleures œuvres à partir de son dossier d’apprentissage et en justifiant ses choix, l’étudiant apprend à porter un regard critique et réflexif sur son travail et à en assurer l’autoévaluation et la régulation. Il profitera de cette occasion pour souligner ses forces et indiquer des points à améliorer, des défis qu’il souhaite relever ainsi que les objectifs qu’il se propose d’atteindre. Il fera aussi connaître son calendrier.

En affichant ses plus belles réalisations, que ce soit à l’occasion d’une exposition ou d’une présentation sur les réseaux d’information, l’étudiant éprouve habituellement un sentiment de fierté qui le motive à poursuivre et à approfondir sa progression. Une mise à jour trimestrielle de cette collection suffit généralement.

Le portfolio d’évaluation, que certains appellent le «dossier de preuves3», sert à jauger le niveau de développement de compétences de l’étudiant (connaissances, savoir-faire et savoir-être) en fonction du référentiel des compétences propre à chaque cours et à chaque discipline. La pratique du portfolio s’inscrit alors dans un processus d’évaluation formative qui consiste à cumuler les informations de différentes sources afin de rendre compte des apprentissages.

L’étudiant est évidemment informé par avance du référentiel de compétences, des critères et des indicateurs d’évaluation. Y sont compilés, en quantité moins importante que dans le dossier d’apprentissage, les productions significatives de l’étudiant, ses examens, travaux pratiques et grilles d’observation, ses autoévaluations ainsi que les commentaires et évaluations de ses enseignants. Ce portfolio peut accompagner les «bulletins», relevés de notes, attestations, certificats et autres pièces officielles qui sont ici conservées. Ce portfolio peut servir à constituer un dossier en vue de la reconnaissance d’acquis4.

D’usage moins fréquent que le portfolio d’apprentissage, mais plus régulier que le portfolio de présentation, le portfolio d’évaluation devrait être mis à jour chaque mois environ.

Le stockage d’informations sensibles sur les serveurs d’un établissement soulève cependant des questions à propos de leur protection et de leur gestion. Nous y reviendrons. La figure 1 présente la description, les buts, les personnes concernées et la manière de faire pour chaque type de portfolio ou pour chacun des dossiers, en supposant que l’étudiant dispose des trois dossiers en un seul et même portfolio.


Figure 1. Synthèse de trois types de portfolios

Le portfolio de développement professionnel est une collection de travaux qui permet de documenter, pendant une certaine période, le cheminement de l’apprenant dans l’acquisition de certaines compétences professionnelles. Il l’aide tout au long de sa vie dans la validation de ses acquis, la reconnaissance de ses compétences, la planification de sa formation et la gestion de son cheminement de carrière.

Par ailleurs, cet outil sert à recueillir des données sur ses croyances, ses connaissances, ses habiletés et ses compétences afin de documenter son cheminement, de systématiser sa démarche de réflexion et ainsi de développer une plus grande conscience de sa pratique, de l’analyser et de prendre des décisions éclairées menant à son développement professionnel et personnel5.

Le portfolio de développement sert également à se construire une expertise sur la théorie et la pratique qui sont à la base des actions et des interventions professionnelles. Il favorise
la «pratique réflexive» d’autorégulation des professionnels en formation. Selon Desjardins (2004), ce portfolio permet d’expliciter ses choix de développement professionnel, de s’autoévaluer et de prendre conscience de son cheminement et de ses orientations professionnelles6.

La première fonction du portfolio de développement professionnel est d’améliorer la qualité de l’apprentissage, de favoriser l’encadrement en permettant la «traçabilité» de l’apprentissage et de son accompagnement; la deuxième fonction consiste à favoriser l’autoévaluation «authentique» de l’apprenant, qui le conduira à une meilleure connaissance et à une meilleure estime de soi7.

Le portfolio de développement professionnel comprend les sections suivantes :

  • une introduction générale;
  • une table des matières;
  • un curriculum vitae;
  • une autobiographie;
  • un texte présentant sa philosophie professionnelle;
  • un plan de formation;
  • les productions significatives issues de sa formation ou de sa carrière;
  • quelques défis et pistes d’amélioration;
  • des multimédias de ses meilleures réalisations, de trophées ou de mentions d’honneur;
  • les évaluations, diplômes, attestations et équivalences;
  • des personnes-ressources;
  • une bibliographie d’œuvres qui inspirent l’étudiant.


L’étudiant dépose dans ce portfolio ses productions significatives groupées selon les sections précédentes ainsi que suivant les disciplines étudiées ou selon les projets réalisés ou en cours de réalisation. Une clé de classement est ici à définir.

L’étudiant doit posséder un peu d’expérience avant d’entreprendre la constitution d’un portfolio de développement professionnel. Un élève du primaire ou du secondaire ne trouvera peut-être pas les pièces pour meubler un tel portfolio, un étudiant du collégial le saurait probablement, un étudiant universitaire devrait se constituer un tel portfolio tout au long de sa vie.


Pour une pratique réflexive

Une pratique réflexive sur sa démarche d’apprentissage consiste, pour l’étudiant, à jeter un regard critique sur son propre fonctionnement, à réfléchir pour ajuster ses schèmes d’apprentissage dans le but d’apprendre plus efficacement, de façon mieux organisée et plus consciente, ce qui améliore son «image personnelle8».

L’autorégulation est une activité cyclique en trois phases : la phase de planification, qui consiste en l’analyse de la tâche, l’établissement de buts réalistes, la sélection des stratégies propres à résoudre le ou les problèmes; la phase de réalisation, où l’on fixe les composantes essentielles de la tâche et les consignes d’exécution; la phase réflexive, où l’étudiant prend conscience de ses nouvelles connaissances et compétences, où il évalue le succès ou l’échec de ses stratégies, les causes apparentes de ces succès ou échecs et les ajustements nécessaires, ce qu’il changerait si c’était à refaire9, etc.

Source d’objectivation, la pratique réflexive en trois temps (regard critique, analyse de l’action, ajustements) propose à l’étudiant de conserver, dans son portfolio, des traces de ses travaux à différentes étapes de leur réalisation et de documenter ces traces, c’est-à-dire d’expliquer la sélection (le choix des documents retenus) et d’expliciter les documents (ce que chacun des documents démontre de son cheminement personnel).

Cette pratique autorégulatrice et réflexive du portfolio devrait favoriser la différenciation pédagogique10.


L’analyse du portfolio sur support numérique

Pour faciliter l’analyse des logiciels et des systèmes de gestion des portfolios offerts sur le marché, l’enseignant aura intérêt à poser une série de questions sur les fonctions offertes et à faire certaines observations sur leur facilité d’utilisation.

L’analyse du logiciel de gestion du portfolio numérique ne devrait pas faire perdre de vue la dynamique de la démarche associée à l’utilisation du portfolio en éducation. Les composantes essentielles d’un portfolio sur support numérique sont (voir la figure 2) :

  • une fonction de gestion des étudiants (inscription de l’enseignant responsable et fonction de création de groupes, inscription, classement, attribution du mot de passe, des privilèges et de l’espace disque pour chacun des étudiants);
  • une fonction de gestion des documents (identification, classement multicritères, déplacement, copie, effacement des documents);
  • une fonction d’inscription et de gestion des commentaires et annotations de l’étudiant, de l’enseignant ou de ses pairs;
  • une fonction d’affichage des travaux et de consultation limitée et sécurisée des commentaires attachés à ces travaux;
  • une fonction de gestion des zones et des fichiers sécurisés sur le réseau télématique et ses serveurs.


Accès de l’étudiant (1) (voir la figure 2)

    • Protection par mot de passe
    • Fonction d’aide


Accès de l’étudiant au dossier d’apprentissage (2)

    • Fonction d’aide
    • Fonction d’identification du document
  • Fonction d’indexation des documents, permettant de les rappeler facilement après leur dépôt dans le portfolio
  • Zone confidentielle dans laquelle peuvent être sauvegardés des documents de réflexion, d’évaluation personnelle


Accès de l’étudiant au dossier de présentation (3)

  • Suggestions de modes de présentation
    • Fonction permettant à l’étudiant de choisir le document à déposer dans ce dossier
    • Fonction d’aide
    • Fonction d’identification des documents
    • Fonction d’indexation des documents
  • Zone confidentielle dans laquelle peuvent être sauvegardés des réflexions et des commentaires


Accès de l’étudiant au dossier d’évaluation (4)

  • Fonction de transfert de documents à déposer dans ce dossier
    • Fonction d’aide
    • Fonction d’identification du document
    • Fonction d’indexation du document
  • Zone confidentielle dans laquelle se trouvent les documents de réflexion et les commentaires


Accès de l’enseignant (5) aux divers dossiers des étudiants

    • Fonction d’aide
    • Accès aux portfolios à l’extérieur de l’établissement
    • Dépôt, par l’enseignant, d’un document dans le portfolio de l’étudiant
    • Dépôt, par l’enseignant, d’un document dans tous les portfolios
  • Dépôt direct, par l’enseignant, d’une réflexion, d’un commentaire ou des résultats dans la zone confidentielle


Accès des pairs (6) aux dossiers de leurs collègues

    • Fonction d’aide
    • Accès des pairs au portfolio de leur compagnon


Accès des autres personnes autorisées (7) au portfolio

    • Consultation possible à partir de l’établissement
    • Consultation possible à l’extérieur de l’établissement
    • Consultation possible des différentes zones confidentielles
  • Possibilité, pour une personne autorisée, de déposer un document ou un commentaire dans le portfolio ou dans la zone confidentielle


Autres considérations

En plus de ces caractéristiques, il y en a d’autres ayant une portée plus globale :

  • Fonction de transfert d’un document d’un dossier à un autre
  • Fonction de transfert d’un document de la zone confidentielle d’un dossier du portfolio à une autre zone confidentielle
  • Garantie de confidentialité
    • Installation facile du logiciel sur le serveur de l’établissement
    • Fonction d’aide
    • Support technique
  • Concordance des documents produits avec les logiciels utilisés (traitement de texte, éditeur graphique, etc.)
  • Section réservée à l’enseignant pour faire la gestion de ses groupes d’étudiants (ajouter ou enlever un nom)
  • Fonction pour la gestion des mots de passe (en cas d’oubli)
  • Fonction pour la gestion des zones confidentielles
  • Modes d’accès différents (écriture, lecture seulement)
  • Module agenda-calendrier de groupe


Outre l’analyse de ces fonctionnalités, il faut ajouter une appréciation du graphisme et de la convivialité du logiciel de gestion des portfolios. Enfin, il faut savoir s’il est possible de transférer et de sauvegarder, du serveur de l’établissement à une clé USB ou sur tout autre support numérique, l’ensemble du portfolio d’un étudiant qui quitte l’établissement. Cette fonction est indispensable. Elle garantit que l’étudiant pourra poursuivre le développement de son portfolio. C’est à la lumière des réponses à ces multiples questions qu’il faut juger de la performance et de la qualité d’un système de gestion des portfolios.

Ces conditions techniques étant par ailleurs réunies, le portfolio numérique dans Internet est accessible de partout plus aisément et plus commodément que le portfolio sur support traditionnel (classeur, armoire). Il permet de chercher de l’information dans de nombreuses banques de données, d’interroger et de retrouver rapidement un document ancien ou récent, de le manipuler, de le modifier, de le sauvegarder et de le ranger en un tournemain. L’engin «portfolio numérique» est un gestionnaire puissant, efficace, performant, rapide, à la mémoire infaillible et à l’accès universel.

Cependant, il faut prévoir que les portfolios puissent être transférés d’un système informatique à un autre. Comment s’assurer de ne pas laisser derrière soi des portions de vie égarées dans divers systèmes de gestion? L’adhésion des fournisseurs de logiciels à la norme IMS ePortfolio11 permet d’assurer l’interopérabilité en fonction des utilisations possibles : dossier d’apprentissage ou portfolio de développement professionnel. Pour rendre compte de ces différents usages, la spécification IMS ePortfolio repose sur un modèle de catégorisation et de relations entre catégories afin d’assurer deux types d’information : les artefacts et l’information d’évaluation, quelle que soit leur nature : des textes, des photos de sculptures aux relevés de notes certifiés.


Des exemples de portfolios numériques (ePortfolios)

Pour offrir un ePortfolio (portfolio numérique) aux étudiants, le plus pratique, c’est de visiter «Edu-portfiolio.org»12. Chacun s’inscrit et ouvre gratuitement un espace personnel de portfolio. Quelques fonctions de mise en page, quelques options de personnalisation, 50 Mo d’espace disque disponibles pour stocker ses fichiers et le tour est joué, des milliers d’étudiants et d’enseignants de partout dans le monde ont ainsi un espace portfolio nominal13.

L’équipe du Campus virtuel du Collège Éducacentre offre à chacun de ses étudiants un espace portfolio comprenant une série de gabarits pour le curriculum vitae, des questionnaires d’autoévaluation, des schémas pour l’inscription de notes ainsi qu’un espace pour l’enregistrement des travaux et la gestion des cours, ainsi que des outils de communication entre les étudiants et leurs tuteurs14. Il faut toutefois s’inscrire au Campus virtuel pour avoir accès à ce portfolio.

Le Cégep de Rimouski offre aux étudiants d’architecture et de bureautique un espace Web d’affichage de leur portfolio de présentation15. À charge de l’étudiant d’utiliser les outils d’édition de pages Web de son choix pour préparer sa présentation, son curriculum vitae et l’échantillon de ses plus belles réalisations. C’est la solution la plus simple pour l’établissement. Évidemment, on ne parle pas ici de portfolio d’apprentissage, d’évaluation ou de développement professionnel16.

L’Université Concordia offre gratuitement son application d’ePortfolio sur le Web. Elle est adaptée aux besoins des élèves du primaire et du secondaire; un tel outil gratuit devrait être adapté aussi aux besoins du milieu collégial17. Il en est de même pour l’ePortfolio gratuit et téléchargeable de l’école ENFA de Toulouse, pour lequel une adaptation québécoise serait probablement souhaitable18.

Une application de type «blogue» peut également servir à élaborer un portfolio personnel19. La grande force du blogue, c’est la visibilité du processus d’écriture. On voit la compétence en train de se construire sur le blogue de l’étudiant. Si l’on considère le portfolio d’apprentissage, le blogue est particulièrement intéressant. Il l’est moins si l’étudiant souhaite sophistiquer ses pages de présentation et conserver ses différents travaux sous de multiples rubriques et suivant plusieurs modes d’indexation autres qu’antéchronologique20. Dès que l’on se dirige vers une forme d’évaluation et de certification, il manque au blogue un élément clé : le lien avec le référentiel de compétences et les divers instruments d’évaluation-certification.

On peut également s’interroger sur l’intérêt didactique d’offrir à chaque étudiant la possibilité de publier son journal personnel quotidien. En sciences, en mathématiques, dans les différentes techniques au collégial, chaque enseignant souhaite-t-il lire les réflexions quotidiennes de chacun de ses étudiants? À vous de répondre. Si la réponse est positive, alors le blogue est l’outil idéal pour ce type de portfolio numérique21.


Quel modèle de portfolio choisir?

Faut-il choisir un portfolio que l’étudiant élabore en suivant une démarche stricte et précise, établie à l’avance, comprenant des fiches à remplir, des grilles d’observation, des gabarits, des examens, etc., ou un modèle plus souple, plus ouvert, que l’étudiant meuble à sa convenance et construit au fur et à mesure de ses expériences, de ses activités et de ses projets? Ce choix dépend beaucoup du profil didactique de l’enseignant et du profil cognitif de l’étudiant22.

Le portfolio est-il un instrument au service de l’enseignant, lui servant à faire l’évaluation de ses étudiants, ou est-il un outil au service de l’apprenant pour l’aider à assumer ses apprentissages? Est-il un moyen d’évaluation ou un dispositif de formation et de présentation? Il devrait être les trois à la fois.

Le portfolio numérique, lieu d’entreposage et d’indexation, est ainsi un lieu de réflexion, de régulation et d’évaluation. Doit-il être pour autant un lieu de création? Doit-il offrir notamment les éditeurs de textes, de graphiques et de pages Web? Je ne le crois pas. Toutes ces applications existent déjà en dehors du portfolio, lequel devrait être exclusivement un lieu de consignation et de gestion des œuvres des étudiants et de leur évaluation, laissant à chacun la possibilité d’utiliser les logiciels outils (traitement de texte, éditeur graphique, etc.) qui lui sont familiers.

L’intégration universelle du portfolio numérique au collège peut poser quelques problèmes, car son accessibilité requiert de nombreux ordinateurs, préférablement reliés en réseau local et à Internet. Si tous les étudiants y accèdent en même temps, l’usage massif du portfolio numérique risque de surcharger les réseaux de transmission et de malmener les serveurs informatiques. Les fichiers multimédias, souvent présents dans le portfolio de l’étudiant23, offrent une grande souplesse d’expression, mais le texte, l’image et la séquence sonore ou vidéo réclament de l’espace disque pour l’entreposage, de la puissance du microprocesseur pour le traitement, de la bande passante pour la diffusion, en plus d’être souvent filtrés par les gestionnaires de réseaux. Est-il assuré que tous les collèges du Québec bénéficient maintenant de l’accès à des systèmes informatiques performants et à des réseaux à large bande qui résolvent tous ces problèmes?

Enfin, à qui appartient le portfolio numérique? Appartient-il à l’étudiant, à l’enseignant ou à l’établissement qui fournit le serveur et les outils informatiques de gestion? Il en est pour soutenir que les travaux et les commentaires contenus dans les divers dossiers du portfolio appartiennent à l’étudiant alors que les contenus et les outils informatiques d’administration et de gestion pédagogique appartiennent à l’établissement d’enseignement.


Protection des renseignements personnels et du droit d’auteur

Des commentaires et des évaluations personnalisés apparaissent au portfolio de l’étudiant. Une zone d’accès limité (mot de passe) est donc requise, réservée à l’étudiant et à ses enseignants. L’organisme assure la protection de cette zone s’il édite lui-même l’ePortfolio ou s’assure que le fournisseur offre cette protection.

Pour l’inscription de l’étudiant à son portfolio numérique, l’organisme ou son fournisseur ne recueille que l’information strictement nécessaire et informe l’étudiant de cette collecte de données et de l’usage qui sera fait des renseignements recueillis.

Les enseignants s’inquiètent du plagiat possible des travaux au moyen d’Internet. Il existe pourtant des outils numériques pour contrer ces pratiques. Nicole Perrault a fouillé cet aspect des usages d’Internet et a fourni quelques solutions à ce problème24.

L’étudiant respecte-t-il le droit d’auteur dans l’usage qu’il fait de documents glanés au hasard de ses recherches sur le Web qui constitue maintenant sa première et parfois son unique source d’information? Ce qu’il affiche dans son portfolio de présentation est-il libéré des contraintes du droit commercial? Il est évident que l’exposition universelle qu’offre Internet exacerbe cette problématique à laquelle les usagers du portfolio numérique devront porter une attention particulière.

L’organisme qui propose un espace de portfolio numérique à ses étudiants n’est pas responsable de ce que l’étudiant y dépose, mais si une plainte fondée était faite à l’encontre d’une page Web hébergée par l’établissement, ce dernier devrait, dans un temps raisonnable, retirer cette page de ses serveurs informatiques25.


Le ePortfolio de «Big Brother»

En implantant l’ePortfolio dans votre établissement, évitez de construire une «usine à gaz» ou un ePortfolio strictement pour l’évaluation sommative et les référentiels de compétences. Cet ePortfolio assurerait bien entendu la «traçabilité» des apprentissages et faciliterait la mobilité et la délocalisation de la main-d’œuvre en validant la diplomation. Cette «usine à gaz» interconnectée avec les banques de données et les centres de services aux entreprises, les agences de placement et de recouvrement pour l’authentification des apprenants et la validation des CV éliminerait toute créativité chez l’étudiant tout en constituant un danger d’intrusion dans la vie privée de chacun de ses abonnés. Évitez de créer l’immense ePortfolio de «Big Brother».

Adhérez plutôt aux trois portfolios distincts : l’ePortfolio d’apprentissage, où l’étudiant conserve les travaux en cours de réalisation ainsi que les traces de sa démarche réflexive; l’ePortfolio de présentation, où il affiche ce qu’il fait, où il expose qui il est; et l’ePortfolio d’évaluation, où il s’autoévalue, où il reçoit l’appréciation des autres et sa certification26, ou encore, privilégiez l’élaboration du portfolio de développement professionnel sécurisé.


Figure 2. Exemple des fonctions d’un portfolio sur support numérique


Bibliographie et webographie

BIBEAU, Robert. Cent références pour le portfolio numérique, En ligne, 2007.

BIBEAU, Robert. Le portfolio numérique pour une pratique réflexive en éducation, En ligne, 2007.

BIBEAU, Robert. Des situations d’apprentissage et d’évaluation sur Internet, En ligne, 2007.

BIBEAU, Robert. Un portfolio pour chacun, En ligne, 2006. 15e Colloque de CAPTIC.

BIBEAU, Robert et Ministère de l’Éducation du Québec. Le portfolio sur support numérique. Montréal, Ministère de l’Éducation du Québec, Direction des ressources didactiques, 2002. http://ntic.org/guider/textes/portfolio.doc

BOUSQUET, Ginette. Le portfolio électronique, un outil utile pour l’activité d’intégration, En ligne, 2006.

DESJARDINS, Richard. Le portfolio de développement professionnel continu, En ligne, 2004.

Équipe numéro 6. Université du Québec à Chicoutimi. Portfolio électronique, En ligne, 2005.

GIRARD, André. Une approche centrée sur l’apprentissage en sciences et soutenue par les TIC, En ligne, 2005.

GUAY, Geneviève. «Le portfolio numérique : un outil interopérable et transportable pour accompagner les élèves en formation à distance et en classe», Clic En ligne, nº 64 (avril 2007).

MORIN, Yves. Comment un esprit cartésien peut supporter la création d’une pédagogie du portfolio?, En ligne, 2007.

PERREAULT, Nicole. Le plagiat et autres formes de triche scolaire à l’aide des technologies : une réalité, des solutions, En ligne, 2007.


1 Cent références sur le portfolio numérique

2 L’interopérabilité est la capacité que possèdent des systèmes informatiques hétérogènes de fonctionner conjointement grâce à l’utilisation de langages et de protocoles communs et la capacité de donner accès à leurs ressources de façon réciproque.

3 Guay, Geneviève. «Le portfolio numérique : un outil interopérable et transportable pour accompagner les élèves en formation à distance et en classe», Clic, n° 64, avril 2007, p. 1 ,3.

4 Loc. cit.

5 Richard Desjardins et son portfolio de développement professionnel

6 La page Web du professeur Richard Desjardins

7 Une évaluation «authentique» est une évaluation qui illustre et permet de démontrer les connaissances, les habiletés et les compétences acquises à partir de situations réelles d’apprentissage et d’évaluation tirées de la vie courante. Consulter le site Web : http://www.infobourg.com/sections/chemises/chemise.php?id=44

8 http://www.robertbibeau.ca/apop/support1.html

9 Modèle d’analyse réflexive en résumé

10 Un site Web sur la diversification pédagogique et la différenciation

11 http://zope.cetis.ac.uk/content2/20041102005853

12 http://www.edu-portfolio.org/

13 http://www.edu-portfolio.org/469

14 http://www.savie.qc.ca/CampusVirtuel/
Entrez sous le module «d’apprentissage» le nom d’usager «visiteur» et le mot de passe «savie».

15 http://www.cegep-rimouski.qc.ca/portfolios/

16 http://www.cegep-rimouski.qc.ca/dep/bureautique/pages/portfolio2006.htm

17 http://grover.concordia.ca/epearl/fr/epearl.html

18 http://www.enfa.fr/portfolio/dl/

19 http://www.cyberportfolio.ca/

20 http://www.cyberfolio.org/

21 http://carnets.opossum.ca/mario/archives/je_reflechis/

22 Trois approches pédagogiques et trois usages du portfolio

23 http://www.stephaneguillot.com/index_fr.htm

24 http://site.profweb.qc.ca/index.php?id=2301&L=0&tx_profwebdossiers_pi1 uid =3

25 http://www.droitsurinternet.ca/

26 Robert Bibeau au colloque de l’APOP

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